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Ravageurs Pyrale du buis : une pression cyclique, à confirmer

Ecorces rongées par les larves.© Anna Labarre/Fredon Limousin

Quels sont les facteurs qui modulent les dynamiques et variations des niveaux de population de la pyrale du buis selon les années ? Pourrait-on prévenir leur apparition ? Après des observations, notamment depuis 2019, il est possible de faire quelques hypothèses et proposer des premières pistes...

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L’invasion fulgurante du territoire français métropolitain par la pyrale du buis date de 2008. Elle a débuté par l’Alsace, notamment via l’importation et la revente de plants de buis asiatiques par les Pays-Bas.
Après plusieurs années de gradation marquée des niveaux de population, les acteurs de terrain ont observé en 2019 une baisse quasi généralisée de la fréquence et surtout de l’intensité des infestations dans de nombreux parcs et jardins*.

Cependant, de nouvelles infestations, quoique souvent moins fortes, ont été observées en 2020 et 2021. Ce début de printemps 2022, la plupart des infestations sont d’intensité faible à moyenne. Mais certains foyers sont localement intenses, avec des défoliations marquées.

Face à ce constat, on peut se poser la question des causes de la variation pluriannuelle des niveaux de population de pyrale du buis. Sur cette base, pourrait-on mieux anticiper les périodes de pullulation ? Voici quelques éléments de réponse et hypothèses, sans tirer encore de conclusion ferme à ce stade.

Deux à quatre générations

La pyrale du buis est un insecte ravageur émergent, polyvoltin (plusieurs générations par an), d’origine asiatique, qui a probablement un comportement cyclique différent en France de celui qu’on lui connaît en Chine ou en Corée sous l’influence de phénomènes de régulation naturelle abiotiques et biotiques.

En France métropolitaine, chaque année, cet insecte peut produire entre deux et quatre générations (souvent trois) à des périodes variables selon les zones bioclimatiques, les conditions météo locales et probablement les stades phénologiques du buis (toutes espèces confondues).

Un certain niveau, puis une régression progressive

Comme d’autres chenilles grégaires, les populations larvaires pourraient culminer jusqu’à un certain niveau « plafond », puis régresser progressivement pendant plusieurs années (deux à cinq ans, voire davantage selon les espèces). Ceci en particulier sous l’effet des auxiliaires prédateurs naturels (dont des oiseaux insectivores tels que les mésanges), des parasitoïdes oophages ou de larves, et des micro-organismes entomopathogènes.

Observation des dégâts larvaires de pyrale du buis au Poiré-sur-Vie (85). ©J. Jullien

Moins de buis pour un insecte monophage

La pyrale est très vorace et il lui faut beaucoup de matière verte pour subvenir à ses besoins nutritifs à mesure de son développement larvaire, comprenant six stades successifs. Étant un insecte plutôt monophage (quelques cas de consommation de feuilles d’autres arbustes ou arbres au dernier stade larvaire ont été constatés en l’absence de buis feuillés), on peut penser que la forte diminution des buis dans les pépinières et les Jevi (jardins, espaces verts et infrastructures) – espaces verts professionnels, jardins de particuliers – a contribué à diminuer la ressource alimentaire de l’insecte et à faire baisser les niveaux de population.

Un avortement à la suite des canicules

Les périodes caniculaires en augmentation durant l’été depuis 2015 (réchauffement climatique, sauf 2021 dans la partie septentrionale de l’Hexagone) pourraient contribuer à l’avortement des pontes de pyrale (cas constaté sur la processionnaire du pin lors de l’été 2003) et limiter ainsi le taux d’éclosion issue de la deuxième ou troisième génération annuelle, suivant les régions, les températures et l’exposition des buis (plein soleil par rapport aux zones semi-ombragées).

Une lutte plus efficace et durable

La quasi-généralisation des traitements insecticides réalisés sur les buis en pépinières d’ornement et en espaces verts a probablement permis une diminution progressive du potentiel d’infestation avec du Bacillus thuringiensis mais aussi avec d’autres produits autorisés en production (azadirachtine A, cyantraniliprole, lambda-cyhalothrine) ou utilisés en pépinières et en Jevi (huile essentielle d’orange douce, pyréthrines, spinosad), ainsi qu’avec des méthodes alternatives : confusion sexuelle, piégeage de masse, lâchers de trichogrammes oophages, pose de nichoirs à mésanges.

On peut noter à cet égard que lorsque la lutte est mise en œuvre de façon collective à l’échelle des territoires, elle est souvent plus efficace et durable.

Une capacité d’adaptation importante

Une information intéressante, donnée par l’Inrae, considère que la modification biochimique éventuelle des tissus du buis lors de la repousse après une attaque pourrait perturber la perception et le comportement de l’insecte. Mais sa capacité de survie dans différentes situations difficiles où il a consommé l’écorce des rameaux de buis plutôt que les feuilles ou encore le feuillage d’autres végétaux ligneux laisserait plutôt penser que la pyrale aurait une capacité d’adaptation relativement importante pour assurer sa survie et son complet développement. Cette hypothèse, liée à la plante hôte, resterait donc à être vérifiée, et confirmée le cas échéant.

Des essais de plantes alternatives au buis sont à l’étude. Ici à Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et plantes.©Odile Maillard

Les surveillances, essentielles en biocontrôle

En conclusion, il reste encore plusieurs inconnues sur la biologie et l’épidémiologie de la pyrale du buis et les travaux d’étude et de recherche ont intérêt à être poursuivis compte tenu de la valeur paysagère, patrimoniale et écologique du buis, même si des végétaux de substitution plus ou moins valables sont proposés.

Dans ce contexte, on peut regretter la diminution budgétaire allouée au réseau d’épidémiosurveillance Ecophyto (axe 1) qui impacte le nombre d’éditions de Bulletins de santé du végétal (BSV) en Jevi depuis 2019. Car ces données biologiques représentatives des territoires régionaux sont fondamentales pour analyser le cycle de développement pluriannuel et la dynamique de population de la pyrale. Elles sont essentielles pour mettre en œuvre la protection intégrée des buis, en particulier les méthodes de biocontrôle.

Jérôme Jullien

*Cf. réseau d’épidémiosurveillance Ecophyto, Bulletins de santé du végétal.

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